Elle avait tourné dans son lit toute la nuit, le sommeil ne venait pas ou la surprenait alors en l'envoyant dans un cauchemar. Iyona savait, savait qu'elle n'allait plus se sentir aussi bien que la veille, elle en avait même pleuré un peu en quittant son lit bien trop tôt pour se rendre à son cours de dix heures. Heureusement qu'elle savait user de son maquillage et autres techniques pour dissimuler ses cernes, heureusement qu'elle savait sourire du mieux qu'elle pouvait, comme si, grâce à cela, personne ne se douterait de rien. Ses yeux fatigués cherchaient In-ho qui était introuvable, lui donnant davantage le cafard et lui donnant la sensation que plus rien importait, elle ne regardait plus les gens mais simplement devant elle avec son sac de cours, esquivant même les bonjours, la pauvre devait être malade se diront certains. Elle aurait tant aimé un câlin de son homme, il avait ce pouvoir de recharger un peu la vieille batterie usée qu'était la cheerleader à ce moment-là.

Iyona portait d'ailleurs l'un de ses tee-shirt alors qu'elle retournait dans son lit aux heures du midi, envoyant un message à la sous-capitaine de l'équipe pour lui dire qu'elle souffrait une fois de plus de cette maladie inventée avant d'espérer s'endormir un temps, longtemps même. Son fin nez était caché dans le vêtement, elle souhaitait humer au mieux son parfum, comme si il était là, en train de la prendre dans ses bras, lui faisant davantage prendre conscience qu'elle était toute seule. Position fœtale, sous sa couette. Il viendra la voir bientôt, s'était-elle alors promis, cette pensée lui dessina un faible sourire avant de s'endormir le temps d'une courte sieste, son traitement l'avait un peu aidé à trouver le sommeil.

Jusqu'à un coup de sonnette et une voix qui faillirent lui offrir un arrêt cardiaque, c'était Hide ou tout du moins elle pensait ça, lorsqu'il insista pour qu'elle vienne lui offrir confirma alors sa pensée. Enfilant rapidement son short de pyjama, Iyona traîna des pieds en se frottant l'oeil pour aller lui ouvrir. « Tu as fait quoi encore ? » lui demanda-t-elle en débloquant la porte, l'étudiante ne comprit pas tout de suite alors qu'elle voyait un travesti devant elle, fronçant alors naturellement les sourcils, comme à la recherche d'une réponse logique, un simple et faible « mais ? » se fit entendre alors que ses jolis yeux en amande fatigués le regardaient au moins trois fois de haut en bas. Un timide sourire plus tard, elle tira son bras en secouant la tête d'une façon gentiment désespérée pour le faire entrer, il lui fera vraiment tout voir celui-là. « Pourquoi ? » l'interrogea-t-elle en ne sachant d'où donner de la tête face à ce personnage, souriant toujours de cette façon fatiguée avant de constater un détail assez gênant : « ne me dis pas que tu as réussi à enfiler ma jupe ? Ce ne sont pas mes affaires quand même ? », ce n'était pas vraiment de l'énervement, plutôt de la stupéfaction et une prise de conscience certaine : il faut qu'elle investisse dans un cadenas à code – quoi que, tout le monde trouvera très facilement la date qui sera très très très certainement le jour où elle s'était mise avec In-ho.
Iyona alla s'asseoir sur son sofa, n'en revenant toujours pas, « je dois être sacrément grosse pour que tu arrives à porter mes vêtements en vrai … Il t'a déjà dit qu'il me trouvait trop grosse ou pas ? », dit-elle, inquiète.

« Disons que la jupette n'est pas censée convenir à ton derrière ... », il y eut un rire discret, après quoi elle passa d'une façon totalement naturelle le col du tee-shirt par dessus son nez pour sentir de nouveau le parfum de son copain, tout en continuant de regarder le pitre en face d'elle. « Je vais chercher à boire. Ca doit être éprouvant de faire sans cesse le clown. », Iyona se leva alors pour ramener un plateau avec une carafe de jus de fruit frais et quelques douceurs pour le déposer sur sa table basse et constater la mine de son hôte, elle grimaça et s'approcha de lui d'un regard inquiet. « Je n'ai jamais dit que tu étais gros et je n'ai jamais voulu te vexer ... », l'étudiante s'engouffra dans ses bras, « je suis désolée si ça t'a blessé … je fais tout de travers en ce moment. » et ne dit plus rien, le temps de récolter un peu d'énergie par le biais de ce câlin.

Un instant plus tard, les yeux de la belle se levèrent vers le visage de son ami en même temps qu'elle s'en détachait, un léger sourire d'enfant aux lèvres dû au fait de voir son ami avec une perruque, osant se dire qu'avec du maquillage il aurait pu ressembler à une vraie jolie fille, peut-être plus jolie qu'elle … le sourire disparut, laissant place à une moue. Iyona retourna sur le canapé, versant le breuvage dans chaque verre, toujours avec un faciès peiné, elle avait préparé ce jus de fruit au cas où In-ho passerait après son entraînement, c'était un rituel en quelque sorte, elle était toujours aux petits soins pour lui, surtout après son sport où elle faisait la totale : elle lui préparait toujours de quoi le rafraîchir que ce soit un jus ou une salade de fruits, parfois elle tentait la cuisine bien que ce ne soit pas son fort, ils prenaient un bain, le massait et bien d'autres choses. Le plus privilégié des privilégiés ! La jeune femme soupira alors, pensant au fait qu'elle ne sera pas assez bien pour In-ho quand il sera là, elle grimaça et une seconde d'inattention suffit à lui faire déborder l'un des verres et, dans un sursaut de constat, s'en renverser sur elle. Posant la carafe de la façon la moins calme possible sur la table basse, elle regardait le tee-shirt de son petit-ami à présent tâché de jus d'agrumes, la pauvre fille se retint de craquer par une grimace mais finit tout de même par pleurer. « Il va me quitter Hide, il va me quitter. », elle chouina un temps avant d'essuyer ses yeux à l'aide de son bras et de reprendre, « je suis une bonne à rien, c'est pas ce qu'il mérite ! », sur ces mots elle se leva et s'empressa d'aller dans sa salle de bain pour humer une dernière fois l'odeur du tee-shirt avant de le jeter au sale pour en enfiler un autre, à elle cette fois-ci, chouinant toujours.
Depuis qu'elle sortait avec ce garçon, elle avait une raison supplémentaire de se donner à fond, de se faire belle et d'essayer d'être la plus parfaite possible, c'en était devenu une forme d'obsession durant ses périodes de déprime, comme si elle se cherchait tous les arguments possibles pour constater qu'elle était nulle.

Iyona se regarda un long moment dans le grand miroir de sa salle de bain, la respiration saccadée suite à ses pleurs, tapant parfois dans le sol avec son pied comme un gosse impatient qui en avait ras le bol, à force de se voir en train de pleurer, elle se trouvait laide et se mettait davantage en tête que In-ho méritait mieux qu'elle. Sortant de la salle de bain comme une flèche, elle se mit à la recherche de son téléphone, non loin de son hôte, qu'elle s'empressa de prendre et de déverrouiller, « ça sert à rien de continuer à lui faire perdre son temps … même si je l'aime fort ! », s'exclama-t-elle, chialant de plus belle et prête à appeler son petit-ami.

Iyona chouinait, respirait d'une façon saccadée et regardait son ami les traits tirés, se retenant de pleurer tandis qu'elle l'écoutait lui crier dessus. Pourquoi lui criait-il dessus ? Tout le monde avait décidé de lui infliger une certaine pression sociale ou quoi ? Tentant piteusement de dire quelque chose, on n'y comprenait rien, elle serrait les dents. L'étudiante lui disait d'arrêter de lui crier dessus, qu'elle n'était pas une capricieuse, un peu comme une gamine qui venait de se faire gronder, elle s'enlaçait comme pour capter de la chaleur, se sentant gelée, se sentant seule, pleurant de nouveau. « M-moi aussi je l'aime mais ... », elle renifla, regardant alors vers le plafond, « mais je suis nulle, regarde-moi je chiale tout le temps ! Je lui fais perdre son temps le pauvre ! », sa main passa sur ses joues pour essuyer ses larmes puis ses yeux vont vers Hide en secouant fébrilement la tête, « j'arrive pas à sourire, je sais pas faire ! ». Après quoi, elle rejoignit le canapé pour s'y enfoncer dedans, se recroquevillant et cajolant une peluche chien qu'on lui avait offerte, n'osant même plus regarder son ami tant elle se trouvait elle-même pathétique, « pardon ... », dit-elle d'une voix nouée en serrant davantage le doudou contre elle avant de penser à un tas de choses comme le fait qu'ils devaient tous la trouver horriblement chiante durant ce genre de périodes, que si elle était toute seule Iyona n'embêterait personne mais d'un autre côte, elle flippait à la simple idée de se retrouver toute seule, sans personne. La solitude l'avait rongée jusqu'aux os, elle ne voulait plus avoir affaire à elle, Iyona n'en avait plus la carrure ni la force d'esprit, l'absence de ses parents la faisait souffrir, si In-ho la laissait, elle ne s'en remettrait certainement pas. Cela faisait un long moment qu'ils étaient ensemble tous les deux, elle s'était imaginée tellement de rêves, un si beau futur en sa compagnie, si tout venait à se briser d'un coup, ce serait très certainement la fin de tout.

« Dis Hide ... », elle ne le regarde toujours pas, préférant regarder dans le vide, « est-ce que vous m'en voulez d'être comme ça ? … Je veux dire ... », elle renifle et grimace comme si elle allait se remettre à pleurer, « si vous saviez … pour moi. Vous m'auriez quand même parlé ? ... », quelques larmes perlent alors ses joues et ses yeux vont dans la direction de son ami, « sois franc s'il te plaît, ça sert à rien de me mentir pour me remonter le moral, autant tout me dire pendant que je suis triste. ».

Sa main se dirigea vers la table pour manger un des muffins qu'elle avait préparés, ils étaient loin d'être exceptionnels du fait de son peu d'expérience en cuisine, mais Iyona avait besoin d'un peu de douceur dans ce soudain monde de brutes. Elle se mit ensuite à regarder l'accoutrement de son ami et eut un minuscule sourire, son corps tremblait toujours un peu mais, comme une enfant n'ayant plus de chagrin, elle était toute sage à le fixer sans prendre conscience du temps qui passait, « tu as vraiment de l'allure ... » dit-elle en riant faiblement.

Il n'avait pas répondu à sa question, il avait simplement détourné le sujet. Au fond elle s'en foutait qu'ils étaient tous les deux ivres, elle s'en foutait que In-ho l'embrasse devant tout le monde, sa question n'était pas ça, sa question était de savoir si oui ou non il se serait intéressé à elle si il avait eu vent de son cas. A vrai dire cette question l'effrayait, si ça se trouve l'homme qu'elle aimait restait uniquement par pitié et par peur de la blesser, de la rendre davantage triste et d'avoir un accident sur la conscience car oui, il fallait savoir que dans ces périodes Iyona était totalement imprévisible bien que sa dernière – et première – tentative de suicide datait de la fin du lycée, ses pensées suicidaires revenaient parfois et celle-ci refusait d'en parler à son médecin, elle refusait de retourner à l'hôpital pour subir cette fameuse opération dont on lui avait déjà parlé, ça lui faisait peur et les effets n'étaient que temporaires, quant à son traitement il devait être augmenté c'est sûr, mais si elle le prenait correctement ce serait peut-être déjà moins grave.
Hide tentait donc simplement de la rassurer et ça, l'étudiante l'avait bien compris mais tentait de ne rien laisser paraître, se mordant simplement la lèvre, recroquevillée dans le fauteuil à la recherche de chaleur humaine, de la chaleur humaine de In-ho plus précisément. Et puis ce n'était pas le moment de lui parler de Masaki, étant donné son état Iyona n'en avait strictement rien à faire, sa meilleure amie pouvait guérir, elle.

Alors que son ami se remettait à se prendre pour une fille, l'attristée souriait un peu, c'était gentil de sa part de vouloir la consoler et il fallait reconnaître qu'il était drôle un peu. La jeune femme passa machinalement ses mains sous ses yeux pour retirer le maquillage qui avait coulé, toujours silencieuse, avant de sourire tristement à sa remarque concernant l'amour d'In-ho. En temps normal elle ne l'aurait pas mal pris, mais lorsque la cheerleader se sent triste elle se sent si nulle et rejetée, elle avait peur que son amoureux ne l'aime plus, ou moins ou qu'elle passe après quelqu'un, comme Hide était en train de le prétendre, et lorsqu'il se mit à parler de mariage, Iyona éclata en sanglot.
Pourquoi ? Un manque de confiance en elle surgit soudainement, la peur du futur, l'incertitude de ses rêves, elle s'était imaginée avec tellement de détails sa vie future avec In-ho, leurs fiançailles, leur mariage, leur maison, leur chien – parce que oui ils auront un chien, et leurs enfants par la suite. Le simple fait de dire qu'il pouvait ne pas lui demander sa main brisait ses illusions sur cet avenir si heureux qu'elle voyait or elle avait besoin de voir ce bonheur lointain, sans lui elle tomberait, elle s'écraserait même ! Iyona était si seule, si on lui enlevait ses rêves elle ne serait rien d'autres qu'une coquille vide sans intérêt, comme autrefois et ça, elle ne le voulait pas, elle ne pouvait plus le concevoir, elle voulait simplement être heureuse dans les bras de In-ho, rien d'autre.
Elle s'approcha alors de son ami pour s'engouffrer dans ses bras et pleurer, pleurer et encore pleurer, c'était un gros chagrin comme les enfants avaient parfois lorsqu'ils commençaient à se poser des questions sans véritable réponse, un gros chagrin qui se terminera naturellement quand l'enfant n'aura plus la force de pleurer ni de penser.

Iyona regardait dans le vide, la table basse sur laquelle du jus de fruit avait été renversé, elle triturait sans s'en rendre compte le tee-shirt de Hide, comme un gosse. Sa respiration se calmait, était moins saccadée, ses larmes ne coulaient plus, elle ne tremblait plus. « Désolée de te mettre dans mes histoires … et merci d'être là ... »